Envie d'améliorer son style d'écriture ?

Brut de fonderie #2

Écrire est une gymnastique. C'est par l'entraînement régulier que l'on peut améliorer son style d'écriture, que certains réflexes se défont, que les automatismes de la langue cèdent le pas à une écriture, la nôtre. Que notre regard sur les choses se lave et que nous commençons tout à la fois à nous reconnaître et à nous surprendre. Il y a quelque chose d'un émerveillement enfantin quand nous entrons dans cette dimension du jeu avec la langue. C'est un déclic. Et après les choses ne seront plus jamais pareilles. Améliorer son style d'écriture, c'est pratiquer, encore et encore, pour se détacher de la langue toute faite et regarder les choses avec nos yeux. Les textes qui suivent, dans leurs envols et leurs imperfections, illustrent une étape de ce processus.

Des textes pour donner envie d'améliorer son style d'écriture

La planète abandonnée

 

La lune mensuelle se couche déjà derrière l’arbre à fleur unique. La floraison ne dure que quelques heures. Éphémère.
Le soir de lune, des lézards bleus prolifèrent sur le sable rouge.
Des enfants, sortant des rares maisons en pierres sèches, aux murs lézardés par le temps s’amusent à les poursuivre jusqu’à leur cachette sous les rochers.
Des moutons de sable lèchent les broussailles.
Ils attendent d’être attelés à de petits chariots brinquebalants.
Le piétinement de leurs sabots noirs dévoile de très longues racines qui tissent, courent, et glissent vers une recherche vaine.
Des empreintes d’animaux furtifs, inconnus, marquent d’un rouge plus profond le sol aride. Faisant naître l’idée d’un ailleurs.
Hospitalier.
Le bruit du glissement du sable sec sur les pierres emplit l’air qui bouge dans la chaleur.
Une espérance de pluie qui tombe à seau, d'odeur humide, de parfum de sous-bois, un regret de cours d’eau murent les enfants dans le silence.

 

Un texte écrit par Marie-Rose, à l'occasion de l'atelier Lieux imaginaires

(Atelier d'écriture régulier à Villeurbanne)

 

 

 

Dans mon arche

 

Dans mon arche il y a des choses étranges. J’ai déposé en premier ce rêve de sommet où resplendit la lumière de la liberté.

J’avais grimpé à travers les forêts, n’écoutant que le bruit de mes pas dans les feuilles humides de l’automne. Je me souviens que je portais ma robe bleue, celle qui est toujours chiffonnée. Dans la poche, contre ma cuisse, je sentais le poids du trousseau de clefs rouillées qui ouvraient autrefois ma maison. Les larmes sur mon visage emportaient le mascara noir qui entourait mes yeux et sans lequel je ne pouvais affronter le regard des autres.

Tout allait changer.

Oui j’avais percé le mystère de ma naissance.

Je croyais n’être qu’une graine de cactus mais j’étais un baobab.

 

 

Un texte écrit par Isabelle, à l'occasion de l'atelier Dans mon arche

(Atelier d'écriture régulier à Lyon - PLVPB)

 

 

 

 Première rencontre

 

La mer était déchaînée. Les vagues hautes comme des arbres s’abattaient les unes après les autres contre le bateau, envahissaient le pont d’écume et de sel qui glaçaient la chair et meurtrissaient le sang. Judith était courbée en deux vomissant ses boyaux, de longs filets de bave s’échappant de ses lèvres grandes ouvertes, la chevelure gluante collée au front, respirant avec difficulté entre deux régurgitations. Sa tête prête à éclater semblait se rétrécir simultanément en un nœud de douleur vive.
De sa main gauche, elle s’accrochait tant bien que mal à une rampe installée le long des couloirs des cabines, son corps se balançant tel un cadavre dans un cercueil emporté et secoué par des brutes insensibles. Bien qu’étant en plein jour, l’obscurité la plus noire recouvrait l’eau d’une peau morte prête à se rompre à tout moment. D’un coup le bateau fit une embardée, parut se renverser presque complètement sur son flanc, Judith lâcha la main de la rampe et se cogna violemment la tête contre un pan de mur avant de heurter le sol lourdement.
Elle ignorait combien de temps elle était restée de cette façon, inerte, avant que cette main immense à la paume calleuse lui touche le visage. Dans la bouche, elle avait le goût salé du sang, ayant mordu sa joue droite. Mais c’était surtout la plaie à l’arrière du crâne qui la lançait. Sa vision se troublait alors que Judith essayait de deviner les traits derrière l’immensité de cette main. Stupéfaite, elle aperçut un sourire tout aussi immense depuis lequel brillaient des dents qui contrastaient avec une peau plus sombre encore que la fond de cale du bateau. Judith venait de rencontrer Arthur. 

 

 

Un texte écrit par Grégory, à l'occasion de l'atelier Personnages

(Atelier d'écriture régulier à Lyon - PLVPB)

 

 

Vibration

 

Un son étrange pénètre mon corps. Le bol tibétain vibre sous les gestes attentionnés du vendeur. Je ressens toutes les harmoniques, les longueurs d’onde qui diffusent par vagues dans mes organes. Comment un si petit bol peut-il faire un effet si puissant ?
J’ai la même sensation que lorsque je chante les sons thérapeutiques du Qi gong, que lorsque j’écoute des percussions africaines, du piano, cette sensation de corps vibrant à l’unisson du monde des vivants. Cette musique de la vie, le chant des oiseaux, le bruit des discussions, les draps qui se froissent, les vagues qui s’échouent sur la plage d’un lac, près d’une dune.
La vibration s’arrête, je me force à revenir. Je vais essayer moi aussi d’obtenir cette vibration envoûtante. J’écoute les conseils, détends ma main pour poser le bol. Après plusieurs essais je commence à y arriver, c’est mon jour de chance, la vibration me remplit.
Je sors ma carte bleue et ramène ce trésor pour Max.

 

 

Un texte écrit par Blandine, à l'occasion de l'atelier Capsules de liberté

(Atelier d'écriture à domicile, chez un particulier)

 

 

 

 Fin de soirée

 

- Il est 4h00. Ouf ! Ils sont partis. Je n’en pouvais plus, j’ai cru qu’ils allaient rester jusqu’à l’aube.

- T’exagère, c’était sympa. Qu’est-ce qu’il est drôle, Jacques ! Et qu’est-ce qu’il danse bien.

- Qu’est-ce qu’ils ont picolé aussi ! Tu te rends compte, il ne reste qu’une seule bouteille de champagne !

- C’est un peu normal pour un réveillon, non ? Par contre, avec Élise, vous ne vous êtes pas lâchés une seconde. Vous étiez comme soudés l’un à l’autre. Tout le monde s’en est rendu compte, ça mettait les gens mal à l’aise et par moment, ça a un peu plombé la soirée

- Qu’est-ce que tu racontes ? Mais non, je n’ai pas eu cette impression d’être tout le temps avec elle.

- Apparemment, vous aviez beaucoup de chose à vous dire, vous avez passé les trois quarts de la soirée à discuter dans la cuisine.

- Pendant un moment, on a discuté littérature – tu sais, elle lit beaucoup – mais je t’assure, ça n’a pas duré si longtemps. Tiens, je vais nous mettre le Boléro de Ravel pendant qu’on range, j’aime bien cette musique répétitive qui va crescendo. Mais asseyons-nous un moment sur le canapé, on n’est pas pressé.

- Ouf ! Je suis crevée...

- Taaa, tatata tatatata, tatata tatata tatatata tatatatatata tatatataa, taaa, tatatatatatataa, tatatatatataaa ! (à chantonner en accompagnement de la musique du boléro)

- Arrête avec tes tatata ! Tu m’agaces !

- Ah ce boléro, je ne m’en lasse pas…

- T’as raison, le boléro de Ravel, c’est vraiment une musique toute indiquée pour un réveillon !

- Si tu préfères, je peux te mettre « Alexandrie Alexandra ». Mais alors on danse !

- A quatre heures du mat ! T’es vraiment cinglé ! Moi, je ne bouge pas de ce canapé.

- Pousse-toi un peu, s’il te plaît

 

Le boléro de Ravel semblait libérer la parole, la discussion s’intensifiait au même rythme que la musique.

 

- Mais qu’est-ce que tu fais, laisse-moi tranquille !

- Si on ne danse pas, un petit moment de tendresse, ça ne peut pas nous faire du mal.

- Tes moments de tendresse, tu peux te les  garder !

- Mais enfin, ma chérie, nous sommes le premier jour de l’année, je voulais te faire des petits baisers pour te souhaiter une bonne année.

- Tu parles, réserve tes baisers à Élise !

- Tu es injuste avec moi. D’ailleurs, depuis quelques temps, je trouve que tu as un air inquiet, soucieux. Qu’est -ce que tu nous couves ?

- Il faut que je te dise : en fait, je me suis rendu compte que je ne t’aime plus. Du coup, je me suis posé des questions, je n’arrête pas d’y penser.

- Comment ça « rendu compte » ?

- J’ai réfléchi longuement, à nous deux, à notre couple. Tu m’es devenu complètement indifférent. Par exemple, ce soir, alors que tu étais manifestement très occupé avec Élise, et bien, en fait, ça ne me faisait rien du tout.

- Alors pourquoi tu m’en a parlé ?

- C’était juste pour te montrer que je ne suis pas dupe.

- Dupe de quoi ? J’ai surtout l’impression que tu te fais un film.

- Ah ! cette conversation me fatigue, laisse-moi tranquille !

- Non, ma chérie, ce n’est pas possible, moi je t’aime !

- Arrête avec tes « je t’aime », ça ne prend plus !

- Mais qu’est-ce qui t’arrive, enfin ? Qu’est-ce que je t’ai fait ?

- Rien, tu ne m’as rien fait, c’est bien ça le problème.

- Les bras m’en tombent ! Je ne m’occupe pas assez de toi, c’est ça que tu penses ?

- « Pas du tout », tu devrais dire.

- Vraiment ? tu exagères ! Mais c’est vrai, tu as raison, on ne sort jamais, on ne fait jamais l’amour, on ne part jamais en vacances, on ne voit personne, tu n’as pas un radis pour t’habiller, ta voiture est une poubelle, tu n’as même pas assez d’argent pour aller chez le coiffeur !

- Mais tu ne comprends vraiment rien ! dit-elle en se mettant à pleurer.

Et lui, la prenant dans ses bras : « Allez, là, excuse-moi, je me suis emporté, j’ai tort, je m’en rends compte, je te promets, je vais faire des efforts à partir de maintenant.

- Non, ça fait des années que ça dure, c’est trop tard maintenant, c’est fini, je ne t’aime plus.

- Fini ! Tu y vas un peu fort, non ? Rien n’est jamais fini, jamais définitif. L’amour, c’est un éternel recommencement.

- Ô la belle formule ! mais non, ce n’est pas vrai, en tous les cas certainement pas avec la même personne.

- L’amour, l’amour ! Une notion vague qui ne veut pas dire grand-chose, il y a tellement de cas particuliers. Je me souviens quand j’étais ado, je pouvais tomber amoureux plusieurs fois par jour de filles différentes. Mais vraiment fou amoureux ! Naturellement, elles n’en savaient rien, j’étais bien trop timide pour oser leur en parler.

- Oui, mais là, ce n’est pas pareil, c’est...

- C’est une histoire de sentiments amoureux, c’est pareil, on parle de la même chose.

- Mon pauvre ami, tu deviens complètement incohérent. Un coup, c’est éternel et après, tu me parles de divagation amoureuse,

- Écoute, ce qui m’importe par dessus tout, c’est de ne pas te perdre

- Tu veux dire de ne pas perdre ton petit confort douillet. En fait, de moi, tu n’as rien à faire, tu as juste peur du vide, de te retrouver seul comme une vieille chaussette dans le fond d’un tiroir, ce qui va t’arriver plus vite que tu ne penses.

- Comment ça, plus vite que je ne pense ?

- Il faut que je te dise, Pierre, j’ai demandé le divorce. C’est sérieux. Tu vas recevoir une lettre recommandée de mon avocat.

- Et merde... la tuile ! Qu’est-ce qu’on va devenir ?

Il semblait qu’à ce moment-là, le Boléro de Ravel peinait à arriver à son apogée, comme s’il avait été freiné dans son élan, parce que plus personne ne l’écoutait, parce que les choses étaient dites et qu’avant cela, c’était comme s’il avait tout décidé par la puissance de son rythme imperturbable.

 

Un texte écrit par Eric et Joëlle, à l'occasion de l'atelier Personnages

(Atelier d'écriture régulier à Lyon - PLVPB)

 

 

 

Tranchante tendresse

 

Nous parlerons ce soir de nous et des oiseaux
Moelleux et volatiles nous nous envelopperons
De mots rares et chauds comme des roucoulades
Notre manteau d’amour caressera encore
Notre fragilité grelottante nudité
L’envol d’un fer glacé risque de mordre alors
La vipère enlacée silencieuse et douce
Lorsque la roche noire caressera cassante
Notre crépusculaire vulnérabilité
Il jaillira soudain des larmes acérées
Pierres de colère froide, pierres de colère froide.

 

Un texte écrit par Benoîte, à l'occasion de l'atelier Premier vers, dernier vers

(Atelier d'écriture régulier à Lyon - UNIVA)

 

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