Coach en écriture de livre, j'ai envie de vous parler dans cette rubrique "Ecrire" de ce qui me traverse dans mon écriture au quotidien, difficultés, prises de conscience, questionnements, qui peut-être rejoignent les vôtres.
Aujourd'hui, j'aimerais aborder la question des retours que nous pouvons avoir quand nous écrivons des textes qui font une part à l'ombre, abordent des moments tristes ou difficiles.
A l'occasion de la parution de mon recueil de nouvelles De si petites ailes, fin 2017, j'ai eu de nombreux retours de lecteurs. La plupart m'ont rassurée sur le fait qu'il était possible et même agréable de rentrer dans mes histoires, denses, articulées autour de personnages sur le fil de la solitude, de la précarité, de la folie, mais aussi parfois de nouveaux départs, de nouveaux envols. D'autres au contraire se sont focalisés sur la présence de personnages sombres, de trajectoires difficiles. Certains libraires que j'étais allée démarcher – mon éditeur étant loin de Lyon - estimaient que les "gens n'auraient pas envie de lire ça".
En tant que coach en écriture de livre, je me rendais compte, impuissante, que le jugement ne portait plus sur la qualité de l'écriture, si elle avait touché la personne en face mais sur la trop grande part d'ombre contenue dans l'ouvrage. Ces retours m'ont marquée à l'époque. Je me retrouvais à être celle qui écrivait des histoires pas gaies gaies, avec des personnages bien trop borderline pour l'image que je renvoyais. Pourtant, au milieu des feel-good books, les libraires allaient-ils arrêter de vendre Chanson douce, Syngue Sabour, Un Dieu un animal, La vraie vie, Bord de mer parce que c'était pas "gai gai" ? Je ne comprenais pas. Même cabossés, fous ou convalescents, je les aimais, mes personnages. Et j'étais sûre que d'autres pourraient les aimer aussi.
Je me suis interrogée. Est-ce que j'avais écrit ces histoires parce qu'il était "plus facile de faire pleurer que de faire rire" ? Est-ce que je devais changer d'approche pour pouvoir partager plus largement mon écriture ? Pour l'écriture de mon deuxième projet, après le recueil de 2017, j'ai ramé, coincée entre les attentes supposées des lecteurs, des éditeurs, des libraires, des connaissances, proches ou lointaines, et cette urgence en moi, qui voulait faire corps avec les mots.
Cette tension entre les attentes extérieures et cette urgence intérieure peut toucher chacun de nous, participants d'ateliers d'écriture, auteurs débutants ou confirmés, au moment de notre mise en écriture. "Alors, ça parle de quoi ? - mais pourquoi t'écris toujours des trucs tristes ? - Oula, je m'attendais pas à ça de ta part"...Cela peut nous amener à arrêter d'écrire, à nous auto-censurer, à avoir peur de montrer, partager ce que nous écrivons. Alors nous nous battons avec les mots et nous ne faisons plus corps avec eux.
Et puis j'ai décidé de faire confiance à ce qui était là. De ne plus me préoccuper de ce qui serait projeté sur mes mots, les situations que je construis, mes personnages. La lumière d'un personnage ne vient pas du fait qu'il est gentil, moral ou positif. C'est que sa trajectoire éclaire quelque chose pour nous, pour le lecteur, et que l'écriture avec laquelle il est fait est juste par rapport à cette trajectoire.
Alors, n'ayons pas peur de l'ombre et continuons à écrire, dans notre lumineuse noirceur !
En partage sonore sur ce thème, la chanson inspirante de Françoiz Breut : la danse des ombres (2016)
En savoir plus sur l'atelier d'écriture Sylvie Gier sur la page d'accueil
Découvrez les autres articles postés par Sylvie Gier
Écrire commentaire