Livre "garanti sans ChatGpt" ?

L’intelligence artificielle a beaucoup d’intérêt dans certains domaines, c’est indéniable. Elle permet d’exécuter en moins de temps des tâches répétitives, de prendre des décisions plus judicieuses, de calculer des trajectoires plus complexes, d’ajuster des gestes chirurgicaux... Les applications sont multiples.

 

Ecrire des livres grâce à l’intelligence artificielle semble être le nouveau frisson du moment. Les vidéos et tutos pullulent pour gagner de l’argent en écrivant des livres avec les IA. J’ai été moi-même récemment approchée par une entreprise qui propose des formations à Chatgpt pour écrire son livre, et souhaitait un échange de services.

Crédit photo : Bethany Laird / Unsplash
Crédit photo : Bethany Laird / Unsplash

L’étrangeté de la démarche m’a fait froid dans le dos : demander à un coach littéraire de promouvoir un outil qui tend à déléguer la création d’un livre à une IA…Cela veut dire pour moi qu’un certain palier sociétal a été franchi.

 

Si ce modèle peut avoir du sens pour des livres pratiques ou des manuels de vulgarisation de premier niveau, j’ai du mal à l’envisager pour les autres champs de l’écriture : la fiction, la poésie, le témoignage, les sciences humaines, la recherche scientifique et historique etc…

 

Ce qui se profile serait donc d’accentuer une production à deux vitesses, un peu comme l’agriculture intensive et le bio.

 

D’une part, la prolifération de livres à faible coût sans enjeu réel pour leurs « auteurs », si ce n’est de "faire" de l’argent sur le volume de vente. Sans enjeu réel non plus pour leurs lecteurs, à l’image de ces objets, ces vêtements, achetés car pas chers, car semblant remplir un besoin, que le marketing a fabriqué de toutes pièces.

Et à terme, l’empilement d’ouvrages constitués à partir de prompts réalisés à partir d’autres livres, eux-mêmes constitués à partir de prompts etc…à l’infini. Pour arriver à des bibliothèques de livres vides, appauvris, sans nutriments essentiels. Voire toxiques car propageant potentiellement, en se recopiant, en se servant les uns des autres, des erreurs à l’infini.

 

Et d’autre part, une production « artisanale », à l’ancienne, qui induit une intention profonde chez l’auteur, et une résonance chez son lecteur, mais qui est plus chère à produire – du temps, du vécu, des recherches, des doutes, des tentatives, des recommencements…- et donc peu « rentable ».

 

Jusqu’à quand cette production « artisanale » résistera-t-elle ?

 

La question va-t-elle devenir : « qu’est-ce que je lis là, exactement ? Qu’est-ce qu’il y a vraiment dans ce livre, quelle est sa composition ? »

Les libraires devront-ils indiquer le nutriscore du livre, apposer des stickers « garanti sans chatgpt « ?

 

Délivrons-nous de cette tentation permanente de la « délégation ».

Il y a des domaines où elle est nécessaire, utile, mais pas là.

 

Ecrire, c’est fulgurant mais parfois aussi c’est long, c’est complexe, alors écrivons moins. Prenons notre temps.

Rien ne nous y oblige. Nous avons le choix.

 

Laissons la pensée respirer à son rythme.

 

Laissons les mouvements délicats de nos intériorités remuer, tourner, émerger en publication ou rester à l’intérieur de nous pour une autre éclosion, plus tard.

 

Laissons des pages blanches rester blanches.

 

Laissons ces pages s’encrer ailleurs, si c’est nécessaire, dans nos engagements, dans notre regard sur le monde.

 

Laissons les choses se faire quand elles doivent se faire.

 

Laissons les livres continuer à donner de l’amour.

 

 

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